Maladie d'Alzheimer : trois questions et une histoire (3/4)

Quel sens cela a-t-il ? 

En fait, le « à quoi je sers ? » n’est que l’apparence utile du « quel sens ma vie a-t-elle ? » et, plus largement du « quel sens cela a-t-il ? ». Il est facile de comprendre que le sens de ma vie m’étant connu, je sais à quoi je sers. 

Cette question du sens est celle de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle se la pose sans cesse, à chaque stimulation : quel est le sens ce ce mot, de cette phrase ? À quoi ce manège rime-t-il ? Ce n’est pas forcément la question du sens de la vie, mais celle du sens des choses. Le malade est plongé dans un monde qu’il ne sait plus décrypter, dont il n’a plus la clé.
« Quel sens cela a-t-il ? », finit-il par dire devant une fourchette ou un stylo… 

Les conséquences sont différentes pour le malade et celui qui l’observe, qu’il soit médecin, soignant ou simplement proche. 

La question du sens des choses et des circonstances suscite chez le malade un mélange de perplexité et d’angoisse à l’origine des troubles du comportement qui, souvent, le submergent. Il fait l’expérience de l’inutilité absolue, de l’insensé et de la vacuité. Lui, qui perd progressivement tout ce qui fait la superbe de l’homme, pousse à l’extrême la question du « quel sens ma vie a-t-elle ? » qui nous tient tous. C’est pourquoi on peut dire qu’il nous représente tous dans notre quête et ce d’une manière aiguë, exemplaire. 

Pour l’observateur deux attitudes sont possibles. La plus courante est celle qui nous fait souvent passer à coté de notre vie : le malade est vide de cette richesse qu’est son intelligence. Il n’a rien a voir avec nous. Nous n’avons rien en commun, peut-être même pas l’humanité. L’autre attitude est celle de l’interrogation. Où en suis-je, moi ? Comment puis-je participer à la peine de cette personne, moi qui distrais sans cesse mon esprit et mon coeur de la quête fondamentale de mon existence ? Finalement, à quoi je sers en face de celui-ci? 

De cette interrogation ou non de l’observateur dépend le choix de son action. Soit on abandonne le malade à lui même, perdu dans son abime de solitude et d’angoisse. Soit on s’interroge soi-même sur le sens de sa position envers le patient et on le rejoint dans son expérience qui est aussi la nôtre. 

« À quoi je sers ? » dit-il ? À nous poser la question !… en plus de tous les menus services et conseils éventuels. Et à nous donner l’occasion de l’aider, de le soutenir, de le soulager. Que répondre ? Le remercier de sa présence… L’aimer. 

Retour un 1/4 : le début.

Un roman pour mieux comprendre la maladie : Est-ce que je nous perds quand je me perds? Éditions Balland

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