Discerner à propos du paternalisme, flash.

On fait souvent grief à la médecine et donc aux médecins d’avoir une attitude paternaliste vis-à-vis de leurs patients. Que dit-on par-là ?

Le paternalisme est défini comme l’usage du « principe de bienfaisance à l’égard de celui qui est en état de faiblesse, par sa maladie et son ignorance »(1). C’est une relation qui est vue comme le summum de l’asymétrie. Ce mode relationnel du médecin envers le patient est réputé attenter à la liberté du patient.

Appliqué à la gériatrie, le paternalisme serait donc l’attitude qui ferait prendre au médecin, selon ses propres critères, toutes les décisions en vue du bien des personnes âgées, éventuellement à leur insu voire à leur corps défendant. Ainsi les personnes âgées seraient privées de leur liberté à cause du paternalisme existant dans le monde de la gériatrie.

Le gouvernement français et son émanation administrative, les Agences Régionales de Santé, privant de liberté les personnes résidant en EHPAD ou se répandant en injonctions d’isolement ou de relégation des anciens, pour cause de risque infectieux lié au SARS-CoV2 n’est-il pas en train de céder au paternalisme tant décrié ?

C’est effectivement une question brûlante : jusqu’où aller dans l’application de mesures de sécurité sans entraver la vie de la personne ? Jusqu’où aider une personne dans ses activités quotidiennes ? Est-il licite de fermer toutes les portes d’un établissement ou d’enfermer dans sa chambre une personne alors qu’elle est atteinte d’un trouble cognitif et risque de faire une « fugue »? Doit-on se précipiter pour ramasser la canne qu’a laissé tomber une personne alors qu’elle en est capable ? …

Mais le paternalisme, notion dérivée de la conception latine du pater familias qui était un potentat régnant sans contestation sur sa maisonnée, va à l’encontre de la vraie attention paternelle voire fraternelle ou amicale (2). Cette attention consiste à accompagner la prise de risque et la croissance vers l’indépendance la plus compatible avec l’exercice de la responsabilité personnelle.

Plutôt que de paternalisme ne serait-il pas judicieux d’employer un mot plus neutre, sans les connotations politiques qu’on lui a attribuées. Je propose d’utiliser celui d’hyper-protectionnisme. On peut, grâce à lui, pointer l’attitude et son excès.

On évite, de cette manière, certaines exagérations contenues dans la dénonciation du « concept » de paternalisme. Par exemple, le refus de la bienfaisance inclus dans cette notion, cantonne le médecin et les soignants à un rôle de techniciens. Or, il existe bien d’autres dimensions essentielles du soin que la pure technique. Il ne suffit pas au soignant et au médecin d’être compétent techniquement parlant pour être un bon soignant et un bon médecin. C’est d’ailleurs pourquoi certains, après avoir exclu ce qui était soignant et attentif dans la figure du père ont cru devoir innover en proposant une « philosophie » du care.

(1) Rameix Suzanne, Fondements philosophiques de l’éthique médicale, Paris, Ellipse, 1996

(2) Larger Victor, Le médecin et le patient, éthique d’une relation, Paris, L’Harmattan, 2011.

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